Séminaire 3:
Analyse d’acoustique et cartographie du timbre du sheng
Mardi 10 décembre 2019, 14h30 – 17h30
Ircam, salle Stravinsky
Analyse d’acoustique et cartographie du timbre du sheng
Mardi 10 décembre 2019, 14h30 – 17h30
Ircam, salle Stravinsky
Bien que les orgues à bouche d’extrême orient soient connus et décrits en occident depuis au moins le début du XVIIe siècle, il faut attendre la fin du XVIIIe siècle pour que les facteurs d’orgue occidentaux utilisent effectivement l’anche libre. La recherche de l’expressivité semble avoir présidé à l’introduction de ces nouveaux jeux, en raison d’une propriété fondamentale de l’anche libre : l’intensité du son peut varier alors que sa hauteur mélodique reste fixe. En France, après une tentative d’orgue expressif par le toucher, citée mais non documentée, de Sébastien Erard à la fin du XVIIIe siècle, c’est à Grenié que revient la primeur de l’orgue à anches libre vers 1811. À sa suite, tous les grands facteurs parisien du XIXe siècle (Cavaillé-Coll, Daublaine, Merklin, Suret, Abbey, Gadault, Stoltz, etc.) introduiront des jeux à anches libres dans leurs instruments. Les contributions d’Aristide Cavaillé-Coll, Sébastien Érard et John Abbey, Marie-Pierre Hamel et Cosyn, particulièrement significatives, sont étudiées. Mais le véritable développement industriel de l’orgue expressif porte sur les orgues sans tuyaux, comme l’harmonium de Debain. Vers la fin du XIXe les tuyaux à anches libres sont entièrement passés de mode et ont quasiment disparus. Cette communication présente un aperçu historique, technique et esthétique de la brève existence des anches libres dans l’orgue romantique parisien.
Christophe d’Alessandro est un chercheur et un musicien. Directeur de recherche au CNRS, responsable de l’équipe Lutherie-Acoustique-Musique à l’Institut Jean Le Rond D’Alembert (Sorbonne Université) il a publié de nombreux travaux en sciences de la parole et de la voix, informatique musicale, acoustique musicale et organologie. Ses recherches récentes portent sur la synthèse vocale performative, l’électronique temps-réel et les instruments augmentés, l’expressivité vocale et le jeu instrumental, en particulier le clavicorde. Organiste titulaire de Sainte-Élisabeth à Paris, il est spécialiste de l’orgue parisien du XIXe siècle.
Dans le cadre du projet sur le sheng notre intervention consistera à décrire et à modéliser les phénomènes mis en jeu dans le fonctionnement de cet instrument, de l’anche « libre » métallique fonctionnant aussi bien en aspirant qu’en expirant, aux différentes formes de tuyaux avec ou sans résonateurs, munis généralement d’un trou d’évent qui détermine la longueur utile. La simulation conduit à reproduire les sons et pour cela nous utiliserons le logiciel Modalys (logiciel de synthèse sonore dite par modélisation physique). Par le passé, une recherche portant sur l’anche libre de l’accordéon, avait bien montré l’apport de ce type de synthèse. Si elles appartiennent à la même famille, l’anche de l’accordéon et celle du sheng ne fonctionnent cependant pas de manière totalement identique comme on peut le voir par exemple sur le signal sonore généré
René Caussé (voir la présentation du Séminaire 2)
Cette étude du timbre du sheng est basée sur une approche prenant le signal sonore comme point de départ du travail d’analyse. À partir d’un ensemble de sons enregistrés par la musicienne de sheng Li Li-Chin sur trois instruments différents (sheng traditionnel à 24 tuyaux sans résonateurs, sheng traditionnel avec résonateurs, et modèle rénové du sheng à 36 tuyaux), les propriétés spectrales des sonorités produites par l’instrument seront investiguées grâce à l’examen de sonagrammes et à l’extraction de descripteurs acoustiques du timbre, qui permettront de les caractériser de manière détaillée.
Le but de ce travail de recherche est, d’une part, de vérifier si les particularités fonctionnelles du sheng observées lors de l’étude acoustique de l’instrument sont perceptibles sur le plan timbral et, d’autre part, de fournir des pistes d’investigation supplémentaires qui permettront de mieux comprendre le fonctionnement de l’instrument.
Par ailleurs, on s’interrogera sur les changements qui se produisent sur le plan du timbre lorsque l’instrument est doté ou non de résonateurs, sur l’interdépendance des tuyaux, ainsi que sur les différences en termes de sonorité entre les modèles traditionnel et rénové. Enfin, cinq techniques traditionnelles de modulation du son (vibrato abdominal-thoracique, fluttertongue, vibrato de langue ou flower tongue, trémolo par mouvement d’air à l’intérieur de la bouche et inflexions par le souffle) seront abordées.
Julie Delisle est stagiaire postdoctorale au Music Perception and Cognition Laboratory (McGill University, Montréal) où elle travaille en collaboration avec Stephen McAdams et Robert Hasegawa. D’abord formée comme flûtiste au Conservatoire de musique de Montréal (Prix avec Grande Distinction) et à la Hochschule für Musik Freiburg (Allemagne), elle a ensuite étudié l’informatique, les technologies du son et de la musique ainsi que la musicologie. En 2018, elle a terminé une thèse interdisciplinaire à l’Université de Montréal intitulée “Trois perspectives sur le timbre de la flûte traversière: instrumentale, perceptive et computationnelle” grâce à une Bourse d’études supérieures Joseph-Armand-Bombardier du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) du Canada.
Parallèlement à ses activités de flûtiste et de musicienne d’électronique live, Julie Delisle est associée à plusieurs partenariats de recherche dont le projet Sheng! (Collegium Musicæ/IReMus/Ircam) et le projet ACTOR (pour « Analysis, Creation, and Teaching of orchestration »). Elle a également collaboré avec Christoph Reuter (Universität Wien), Richard Parncutt (Karl-Franzens-Universität Graz), Eva Furrer (Klangforum Wien) et Marie-Hélène Benoit-Otis (Université de Montréal) dans le cadre de différents séjours de recherche. Ses travaux portent sur le timbre et l’acoustique des instruments de musique, l’étude des techniques de jeu étendues ainsi que sur l’influence des technologies électroacoustiques et numériques sur la composition et l’orchestration.
Cette présentation vise à introduire les problématiques liées aux méthodologies de prise de son du sheng. Cet instrument, plus complexe qu’il paraît au premier abord, étant relativement peu connu en Europe, il n’existe quasiment pas de documentation sur le sujet. Le nombre de recherches scientifiques sur l’acoustique du sheng, et notamment de son rayonnement, se comptent sur les doigts de la main, et se focalisent pour la plupart sur l’étude de tuyaux isolés, qui se comportent différemment que dans l’instrument entier. De plus, il n’y pas un sheng mais de très nombreux types d’orgues à bouche, différant par leur taille, le nombre et le type de tuyaux, mais aussi par la présence de résonateurs sur les instruments modernes.
Comme toujours en prise de son, il n’y pas de “bonne” manière d’enregistrer un instrument, car chaque situation (instrument, salle, style..) est unique, ainsi que le but esthétique à atteindre, et pour atteindre ce but, le preneur de son se basera tant sur des connaissances scientifiques que sur des méthodes empiriques d’exploration. Le but de cette présentation n’est donc pas de répondre de manière univoque à ces questions complexes, mais plutôt de poser les bonnes questions afin d’ouvrir les bons champs de recherche et d’expérimentation, et ce sous différents angles.
Alexis Baskind est musicien, ingénieur du son et réalisateur en informatique musicale. Formé à la prise de son dans la classe de Benoit Fabre au Conservatoire National de Région d’Aubervilliers/la-Courneuve, il suit parallèlement des études scientifiques et techniques (ingénierie électrique, traitement de signal, mathématiques appliquées), et entre en 1999 à l’Ircam où il mène des recherches en acoustique des salles ponctuées par un doctorat en 2003. Il collabore depuis avec de nombreux compositeurs, musiciens et structures de production, dont l’Ircam, le Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, la Campagnie des Musiques à Ouïr et le centre international de recherche musicale (Nice). Il a entre autres travaillé aux côtés des compositeurs Philippe Leroux, Beat Furrer, Hanspeter Kyburz, Héctor Parra, Pedro Amaral, François Paris, Philippe Hurel, Vladimir Tarnopolsky, Alexandros Markéas, Fabián Panisello, Turgut Erçetin, Rebecca Saunders et du metteur en scène Jean-François Peyret, dans le cadre de productions studio et de créations de danse, théâtre et musique mêlant l’électroacoustique à un instrumentarium traditionnel. Il collabore régulièrement sur des projets artistiques et techniques nécessitant le développement de solutions spécifiques de traitement et design sonore, et d’interfaçage avec des technologies de captation gestuelle ou visuelle. Ancien professeur d’ingénierie sonore à la Hochschule der populären Künste FH (Berlin) et enseignant dans le programme Tonmeister de la Hochschule für Musik Detmold, il donne régulièrement des cours spécialisés en ingénierie sonore et en réalisation électroacoustique au sein de conservatoires, universités, et instituts dédiés à la création musicale.